Item 02: Lettres de Mme. Louis de Freycinet ecrites pendant le voyage autour du Monde de la Corvette l'Uranie, 1817-1819, transcribed and edited by Louis-Claude de Saulces de Freycinet, after 1820 and before 1842 - Page 71
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que tout communication avec le bord lui paraissait impossible. Le Commandant alla sur la plage, et juger lui-même qu’il y aurait du danger ; en conséquence, il allait se décider à donner au premier lieutenant le signal d’appareiller sans nous, tandis que nous serions venus à St Paul par terre. Il ne s’agissait plus que de trouver des montures pour nous, et des noirs pour porter nos bagages. J’étais ravie de cette petite course : outre le danger évité, j’allais voir l’intérieur de l’île, qu’on dit très intéressante, c’eût été, dans le trouble où j’étais, une agréable distraction: un peu de fatigue ne m’épouvantait pas ; mais voyez le guignon : à deux heures le vent et la mer devinrent plus traitables ; et, comme on n’avait pas tout réuni pour notre traversé terrestre, Louis me fit observer que la voie la plus courte était de nous rembarquer. Je savais qu’il lui tardait de poursuivre son voyage, et que si nous ne profitions pas de ce moment d’embellir, nous serions peut-être retenus plusieurs jours. Je n’hésitai plus à vaincre ma répugnance. Mais, je vous l’avoue, j’eus grand besoin de me rappeler la résolution, prie de ma part en mettant le pied à bord, de ne jamais manifester une crainte ou une volonté qui pût écarter Louis de son devoir. On m’assure que la pirogue allait être conduite par le meilleur pilot, avec les noirs les plus courageux …. Il y avait donc du danger.. ! N’importe, je m’y résignai.
Jamais, non, jamais je n’oublierai ce moment et à quelles pensées déchirantes j’étais livrée, lorsque, la tête appuyée, sur l’un des genoux de mon mari, assise entre ses jambes sur les planches de cette misérable barque,